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Je ne l’avais pas vu venir

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Par Caroline Savard

Comme tout le monde autour de moi, je ne l’avais pas vu venir. Ça se passait sur un autre continent, dans un autre pays, très loin de moi, de ma famille, de mon chez-nous. Ce chez-nous qui, depuis, est devenu notre refuge, notre bureau, notre bulle, mais aussi ma classe.

Le 12 mars 2020

Le 12 mars 2020, une rumeur commence à se répandre dans les corridors de ma belle école primaire: “Madame, y paraît que les écoles vont fermer”, “Madame, pensez-vous que ça va durer longtemps?” “Madame, est-ce qu’il faut apporter toutes nos choses?”

Les profs, on a appris à la télé, le 13 mars, pendant un “congé de tempête” que la tempête qui s’en venait n’était pas faite de vent et de neige.

Madame, c’est moi, une enseignante qui revient cette année en classe après 2 congés de maternité, qui fait tout ce qu’elle peut pour ses 26 élèves de 6e année pour rendre leur dernière année mémorable, mais qui n’a aucune idée de ce qui s’en vient dans les semaines qui suivent.

Les profs, on a appris à la télé, le 13 mars, pendant un “congé de tempête” que la tempête qui s’en venait n’était pas faite de vent et de neige. Elle serait faite d’incertitude, de distanciation sociale, d’enseignement à distance, d’apprentissages différents (autant pour les jeunes que pour nous).

Maman-prof à la maison

Tout commence par une fermeture de 2 semaines. Congé pour tous les enfants et les profs. J’en profite donc pour passer de beaux moments avec mes filles, deux belles cocottes de 18 mois et 3 ans à ce moment-là. On fait des bricolages, on lit des histoires, on joue dehors. À travers ces moments, je pense à ma gang de l ’école, à leurs apprentissages qui sont sur pause, aux examens du Ministère qui s’en viennent et j’ai peur de manquer de temps. Je pense aussi à ceux pour qui le climat à la maison n’est pas toujours facile et j ’espère que tout va bien pour eux.

Je place mes rencontres hebdomadaires et mes suivis avec mes élèves pendant le dodo de la plus petite et j’occupe du mieux que je peux la grande pendant que je reprends mon rôle d’enseignante.

Après, 6 autres semaines se passent à la maison, les filles sont avec nous, mon chum et moi. Son travail lui laisse moins de latitude que moi, je passe donc la plupart du temps avec les filles. Je place mes rencontres hebdomadaires et mes suivis avec mes élèves pendant le dodo de la plus petite et j ’occupe du mieux que je peux la grande pendant que je reprends mon rôle d’enseignante.

Début mai, à quelques jours seulement du retour prévu en classe, on apprend, encore à la télé, qu’on retourne au travail. On arrive un lundi matin à l ’école, on doit diviser nos groupes pour respecter les mesures sanitaires, mesurer nos locaux pour savoir “combien il rentre d’élèves dans ma classe”. Les choix sont déchirants. On forme des nouveaux groupes en jumelant les élèves de même niveau et on rencontre les nouveaux enseignants. 

Le retour en classe

À notre école, ce sont tous des étudiants qui n’ont pas encore terminé leur formation. Ils sont motivés et heureux d’avoir la chance d’avoir “leur groupe”. La moitié de mes élèves se retrouvent à travailler quotidiennement dans le gymnase, à l’autre bout de l’école. C’est à moi que revient la tâche d’appeler chacun de mes élèves pour leur annoncer s’ils restent ou non dans mon groupe. C’est difficile.

Ma plus jeune a eu des ennuis respiratoires dans la dernière année, j’ai donc beaucoup de craintes.

Les rencontres s’enfilent. Il faut tout revoir l’organisation de notre école : entrée, sortie, déplacements dans l ’école, lavage des mains, Purell, plan de la cour d’école, etc. Tout y passe. Au moins, on est une super équipe, tout le monde met l ’épaule à la roue et on essaie de penser à tout. Les journées sont longues et épuisantes.

La maman, à la fin de la journée, arrive à la maison et est fatiguée, mais a aussi peur d’avoir ramené ce nouveau virus chez elle. Ma plus jeune a eu des ennuis respiratoires dans la dernière année, j’ai donc beaucoup de craintes. Ainsi, en arrivant, tous les vêtements sont changés et le lavage des mains passe avant les câlins. Après, je peux chanter les chansons de “La reine des neiges” en faisant le souper.

Après quelques semaines, on finit par apprendre, encore à la télé, que les examens du Ministère sont annulés et que les élèves vont réussir ou pas leur année. POINT. Une énorme pression s’enlève de mes épaules. Je peux m’assurer de faire cheminer mes élèves du mieux que je le peux, sans le stress qui accompagne les évaluations pour les enfants. On essaie de garder le lien avec les élèves qui sont restés à la maison. Ce n’est pas facile, il faut fixer des rencontres, leur permettre de parler avec les autres. On essaie aussi de continuer à avoir des “moments de 6e” pour être tous ensemble dans le même projet, comme ma collègue et moi on aime le faire. On est motivées, mais se réinventer, ça prend du temps.

On ne se le cachera pas, à la fin de l’année, la prof était fière de ses grands cocos qui partaient vers le monde du secondaire, émue de les voir prendre leur envol malgré tous les changements auxquels ils ont dû faire face dans les derniers mois. On ne se le cachera pas non plus, la maman était très contente de retourner à la maison avec ses cocottes pour profiter des beaux jours et relâcher un peu le stress avec les mesures sanitaires.

Ma nouvelle vie d’enseignante

Quand le mois d’août est arrivé, on a été plusieurs à penser, naïvement, que les mesures qu’il fallait revoir, n’allaient être en place que pour quelques semaines, au pire quelques mois. Encore une fois, on a repensé la cour d’école, les déplacements, les entrées, les sorties, les toilettes, les lavages de mains, les dîners, les récrés,….. Tout y est passé, encore une fois!

Depuis le début de l’année, les règles ont changé plusieurs fois. Elles ont été parfois plus strictes, parfois moins. On a tous et toutes fait de notre mieux pour respecter toutes les règles. On a donné du Purell, demandé aux élèves de laver leurs mains, mesurer encore et encore les 2 mètres, empêcher les contacts entre les groupes, laver les bureaux pour permettre aux élèves de manger dessus, enseigner les portes et fenêtres ouvertes (même en janvier) pour aérer nos locaux, enseigner aux élèves à mettre et enlever leur masque, distribuer des masques de procédure à chaque élève…

Mon enseignement a changé, l’enseignante que je suis a changé.

Je suis très chanceuse, peu de classes ont fermé dans mon école depuis la rentrée scolaire. La mienne s’en est sauvée jusqu’à présent. J’ai appris à enseigner en classe et en ligne, parfois en même temps puisque chaque élève qui se fait tester pour le COVID doit rester à la maison comme chaque élève qui a été en contact avec un cas positif. Ces mesures sont nécessaires et ont permis à notre école de garder ses classes ouvertes, mais c’est toute une gymnastique! J’ai découvert plein de ressources numériques à utiliser autant en “présentiel” qu’à distance. Mon enseignement a changé, l’enseignante que je suis a changé. Il faut toujours être prêt pour l’imprévu, maintenant plus que jamais.

Vie de famille en Facetime

À travers tout ça, mes filles ont appris à voir papy, mamie, grand-maman, les cousins, les mononcles et matantes en vidéoconférence. Elles ont connu “M. Ego et l’autre monsieur” (comme les appelle ma plus jeune) en écoutant les points de presse avec moi. Elles se sont ennuyées de leurs proches et m’ont parfois fait verser une larme parce que je manquais de mots (ben oui, une prof qui ne sait pas quoi dire!) pour leur expliquer pourquoi leurs cousins ne pouvaient pas rester à souper et jouer à la Pat’patrouille.

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le 20 avril, je trouve ça difficile de rester forte pour mes filles qui ont besoin de grandir le plus possible dans la “normalité”. Je trouve ça difficile d’être forte pour mes élèves qui trouvent que leur dernière année est pas mal amputée par le COVID.

Aujourd’hui, le 20 avril, je continue tout de même de faire de mon mieux pour mettre de la magie dans les yeux de mes filles et de mettre du WOW dans les  journées d’enseignement en ligne de mes grands. Je m’encourage en me disant que les vaccins arrivent et vont nous permettre de retrouver un quotidien plus chaleureux entouré de nos proches.

Aujourd’hui, le 20 avril, je fais le point sur cette dernière année que je n’avais pas vu venir, sur cette tempête qui va et qui vient. Malgré toutes les journées qui m’ont semblé si difficiles, je vois du beau : j’ai pu passer plus de temps à la maison avec mon chum et mes filles et me rendre compte à quel point on est bien ensemble tous les 4. J’ai pu explorer des parcs et des sentiers de randonnée tout près de chez moi que je ne connaissais même pas. J’ai pu apprendre et m’approprier la technologie et l’intégrer dans mon quotidien pour faire plus avec toutes ces ressources.

Aujourd’hui, le 20 avril, j’ai envie de me dire que les parents, on a eu un quotidien chamboulé du tout au tout dans la dernière année, mais on est passé à travers. On est hot les parents !

Dominique Genest

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